Paréntesis (Parenthèse) (2013)

Instalation Sonore Multicanal
sur des poèmes de Juan Gelman dits par lui-même

Eric Picard : violoncelle

 


Inauguration le 14 novembre 2013, jusqu’au 2 février 2014
Espacio de Experimentación Sonora (EES)
MUAC – Museo Universitario Arte Contemporáneo
Centro Cultural Universitario México – DF

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no stan muridus lus páxarus (1)
(ils ne sont pas morts les oiseaux)
¿qué es este ruido en la cabeza?/¿vos?/ (2)
C’est quoi ce bruit dans la tête ?/toi ?

 

Depuis les années soixante dix j’écoute la poésie de Juan Gelman. D’abord de manière clandestine – Juan était interdit pendant la dictature. J’ai commencé à tisser secrètement, une musique qui a en commun avec sa poésie l’exigence, la quotidienneté de la pratique artistique, l’attente alerte de l’arrivée depuis mes profondeurs d’un chant véritable et superflu dans l’immédiat mais indispensable pour continuer à vivre. J’ai eu la grande chance de faire côtoyer mon écriture secrète du son avec Juan qui lisait ses poèmes dans une présentation en janvier 2012 à Paris.
Pour cette occasion j’ai écrit neuf courts fragments (comme des poèmes courts) pour un violoncelle soliste, qui se sont intercalés dans sa lecture.
J’ai appelé ces musiques « Gelmanianas », une sorte d’hommage et de relecture musicales de la poésie de Gelman, dans lesquelles sont présentes aussi l’altération subtile des mots et sa prosodie au moment de lire. Ma lecture de ses poèmes a toujours été accompagnée par sa propre voix.
Dans « Parenthèse » je reprends en partie cette idée, mais pas dans la présence physique du musicien et du poète (bien qu’ils soient bien là, dans l’espace électroacoustique). Cette fois la distance nécessaire pour atteindre la concentration ou la découverte du visiteur, centré dans le phénomène sonore.  Cette distance est accentuée par l’inclusion d’une troisième famille de sons, qui commentent, se mêlent ou s’intercalent, entre la voix et le violoncelle purs.
La forme de ces successions, qu’est la composition même, répond au double critère de contraste et de relation. Elle donne comme résultat une lecture cyclique, en apparence interminable ; chaque petit début d’une séquence est le début de la totalité de l’œuvre. Chaque point d’entrée, pris au hasard, est le bon.
Dans l’espace général de ce travail il y a donc trois éléments principaux qui s’interpénètrent :
La voix de Juan Gelman disant ses poèmes, le violoncelle joué par Eric Picard en disant les « Gelmanianas » et les commentaires et parenthèse – parfois de sons purs ou issus de mon travail précédent.
Le choix des poèmes pour un tel projet est une tâche difficile. Juan m’a donné une entière liberté dans ce choix, me chargeant, du coup, d’une responsabilité équivalente.
Mon choix lui a plut.
Ce que le spectateur entend est directement en relation avec mon écoute interne ; peut-être, cette fois, beaucoup plus que dans n’importe quelle autre œuvre musicale, dans laquelle le sens se dilue et devient ambigu par définition (la musique pure est seulement ça et, par conséquent, et heureusement, elle n’a pas de signification).
Dans la musique réinterprétée subsiste toujours un doute, qu’est l’heureuse parcelle de liberté de l’interprète, qui crée le hiatus entre le créateur et l’auditeur.
Ce n’est pas le cas dans « Parenthèse », où la voix de Gelman est la voix de Gelman et la musique qu’on entend est la même qui bourdonne dans mes oreilles.
Luis Naón
(1)  Juan Gelman –De DIBAXU – (XXIX) Poesia Reunida – Seix Barral – Pag 840
(2)  Juan Gelman – De Citas (CITA XI) Poesia Reunida – Seix Barral – Pag 498
 

Le livre de l’installation Paréntesis
contient les poèmes de Juan Gelman
choisis par Luis Naón

 

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