Clairière (2002) (Urbana 14)

Pour clarinette et sons fixés en 5.1

Clarinette et dispositif 5.1
Durée : circa 12 min 30
Commande de l’État et de La Muse en Circuit
Pour le clarinettiste Philippe Berrod.

Création partielle à la Maison de la Musique de Nanterre saison 2001- 2002.
Création lors d’un concert monographique le 11 juin 2002 au Carré Sylvia Monfort dans le cadre de la programmation de “La Muse en Circuit” – Festival Extension du domaine de la note.


En écoute :
Philippe Berrod, clarinette
Enregistré pour le CD Sainte Nitouche et ses satellites. Version transaural.

Cette réalisation est la première pièce mixte à être conçue pour un dispositif en 5.1 canaux. Dans les années à venir, ce système deviendra, j’en suis persuadé, le nouveau support remplaçant la stéréo.

Concevoir une œuvre depuis les prémisses sous ce dispositif permet d’imaginer et d’écrire l’espace sonore en étant sûr que la restitution dans un contexte différent sera fidèlement respectée. Ceci était tout simplement impossible jusqu’à aujourd’hui (ou alors on devait faire appel à des systèmes fort peu répandus qui rendaient la reproductibilité illusoire). En effet, l’expérience réalisée lors de la prise de son en multicanal de Diabolus Urbanus m’a fait recadrer ce projet en relation avec l’espace réel de jeu des instrumentistes. Je serais en mesure de prévoir les déplacements de l’instrumentiste déjà au moment de l’écriture et je pourrais, en collaboration avec l’ingénieur de son dans la phase de post-production, inscrire cet espace sur un support. Prenant en compte dès la conception de l’œuvre la reproductibilité de l’espace sonore, Clairière adopte une amplification avec quatre microphones pour le clarinettiste qui maîtrise ainsi, sans l’apport d’autres technologies de spatialisation, son propre mouvement dans l’espace de diffusion. De cette manière, le travail sur l’espace devient une réalité acoustique reproductible et donc transmissible de manière relativement simple et peu coûteuse.

Une parenthèse s’impose ici concernant l’espace acoustique et électroacoustique, l’un des enjeux principaux de ce travail.
Nombreux sont les compositeurs qui abordent la question de l’espace pour leur composition. En dehors de la traditionnelle relation avec l’espace acoustique réel (Motet Spen in alium à quarante voix réelles de Thomas Tallis où les chanteurs étaient disposés en cercle autour d’un point qui n’était autre, selon la légende, que la Reine Elizabeth elle-même, ou encore les œuvres pour double chœur de Giovanni Gabrielli, reflets de l’architecture de Saint Marc à Venise…), l’espace réel du son a toujours été une composante prise en compte par les compositeurs.

Nous pouvons en extraire des conclusions dans ces périodes lointaines de l’histoire de la musique et également, nous fondant sur uneanalyse renouvelée, repenser des questions abordées autrefois sous d’autres aspects. Je crois que c’est, par exemple, le cas du classicisme si on associe l’espace à la dynamique : en effet, pour les premiers symphonistes, un crescendo était plus “l’arrivée” d’un son depuis le lointain vers l’avant de la scène qu’une composante abstraite liée à l’expression. Depuis une vingtaine d’années, la pensée spatiale se généralise et s’intensifie. Nous pouvons penser alors que la généralisation d’un support permettant une reconstitution de l’espace deviendra, sans doute, une prémisse pour les compositeurs.

Revenons aux principes mêmes mis à jour dans Clairière.

L’idée de cette pièce, en relation étroite avec le cycle Urbana, est d’établir une zone de jeu tout à fait étrangère à l’univers urbain. C’est précisément, comme l’indique le titre, un espace inattendu où la seule règle est donnée par la relation sonore de l’instrument et son environnement.


Publiée chez Babelscores.