Ultimos Movimientos (Derniers Mouvements) (2014)

Pour soprano, clarinette et électronique.

Sur des textes de Quique Fogwill

« Commande d’État »

à Françoise Kubler et Armand Angster

Parmi l’œuvre poétique de R.E. Fogwill (1941-2010) « Últimos movimientos » écrit entre 2002 et 2004 avec le soutien de la Fondation Guggenheim, et publié en 2004, est son dernier recueil de poésie. Ce dernier ouvrage est, sans nul doute, une réflexion autobiographique qui approfondie, parmi des textes qui pourraient être d’inspiration presque quotidienne, des profondes incursions dans l’art poétique, la matière de l’œuvre d’art, la ligne et le tracé, la trace que laisse le poète sur terre.

Ces textes ont une résonance musicale indéniable et semblent traduire en mots le comportement du langage musical d’aujourd’hui.

L’œuvre musicale est articulée en 7 parties qui correspondent à 7 poèmes.

Deux sortes de traitement des poèmes alternent constituant ainsi une forme générale contrastante : trois grandes parties de sonorité ample et traitement libre et madrigalesque et quatre brèves séquences, au plus près de la diction de la langue, plus ramassées, plus mordantes et précises sur des idées quasi uniques.

L’électronique a un double rôle d’élargissement et de discours parallèle, incluant presque exclusivement des sons de voix et des clarinettes traités en temps réel et différé.

Voici l’ordre des sept poèmes qui reflète l’alternance entre des courts moments et des plages expressives de plus longue haleine.

PUNTUACIONES (bref)

MATERIA ES EL MOTIVO (long)

ONÁN EN LA ESCRITURA (bref)

MADRE MATERIA (long)

MÉTRICA (bref)

PASAN LOS MUERTOS (bref)

HASTÍO DE LA TRAMA (long)

Ce texte résume à lui seul la voie adoptée dans mon travail de composition pour ce cycle :

MADRE MATERIA  

Hace lo inmaterial
desde los ruidos
limpiándolos, borrando ecos
recombinando
para que sean sonidos
y vibren justo
sin existir
en el espacio,
en la materia del aire

Casi lo inmaterial logrado.

Pero después de cada palabra
recupera su mundo :
sombras, ecos, recuerdos
ideas embrionarias
efectos de otros mundos
inesperados.

Es el fracaso
de la materia humana.

Es el trabajo humano
con el fracaso interpretado :
buena razón para insitir.

MERE MATIERE

Fait l’immatériel
depuis les bruits
en les polissant, en effaçant les échos
en recombinant
pour qu’ils deviennent sons
et vibrent, justes
sans exister
dans l’espace,
dans la matière de l’air.

Presque l’immatériel accompli.

Mais après chaque mot
reprend son monde :
ombres, échos, souvenirs
idées embryonnaires,
effets d’autres mondes
inespérés.

C’est l’échec
de la matière humaine.

C’est le travail humain
avec l’échec interprété :
Une bonne raison pour insister.

PUNTUACIONES

La coma, el intervalo
de respirar. El punto :
la señal de su espera
de lo que viene.

Es el que lee y oye
su voz o alguna voz, venida
de la memoria o de un fondo
supuesto, imaginario.

Y lo que queda en el papel.
Trabajo humano, la civilización
de los papeles y los signos,
el tiempo, y el polvo que sepulta
tantas cosas inútiles que yacen : ¡libros !

Y todo eso y la libertad :
banderas de abundancia
y olvido.

PONCTUATIONS

La virgule, l’intervalle
de l’inspiration. Le point :
le signe de l’attente
de ce qui vient.

C’est celui qui lit et entend
sa voix ou une voix, qui vient
de la mémoire ou d’un fond
supposé, imaginaires.

Et ce qui reste sur le papier.
Travail humain, la civilisation
des papiers et des signes,
le temps, et la poussière qui ensevelit
tant de choses inutiles qui gisent : livres !

Et tout ceci et la liberté :
bannières d’abondance
Et d’oubli.

ONÁN EN LA ESCRITURA

Las escritras cuentan
otra historia de Onán
Su repudio parcial
de la mujer, la viuda
de su hermano
impuesta por la ley.

El deseo de su cuerpo
– hundirlo, penetrarlo – ardía.

Pero el desprecio de su estirpe
lo llevaba a vertir
sus jugos en la tierra
negándole los hijos
a esa mujer, y por ella
a La Ley.

Amaba Onán
como un carnero
o como un toro
pero sólo reproducía
sus actos, no carne
ni cuerpos para la guerra
ni para los trabajos del rey
y los profetas.

ONAN DANS L’ÉCRITURE

Les écritures racontent
d’Onan une autre histoire.
Son apparent rejet
de la femme, la veuve
de son frère
imposée par la loi.

Le désir de son corps
– le fendre , le pénétrer – brûlait.

Mais le mépris de sa lignée
lui faisait rependre
dans la terre ses jus
en refusant les fils
à cette femme, et par elle
à La Loi.

Onan aimait
comme un bélier
ou comme un taureau
mais il reproduisait
ses actes, pas la chair
ni des corps pour la guerre
ni pour les travaux du roi
et des prophètes.

 MATERIA ES EL MOTIVO

Sí : es la materia.
causa y finalidad del ruido del poema.
Motivo : movimiento.
Ruido para la nuez de la garganta
y la piedra que gira en la cabeza
y a veces entrechoca
piedras y brillos
de sangre.
Sangre materia.
Pulso : número entrecortado de la sangre.
El pulso es el motivo,
y la insistencia del motivo y del cuerpo.
El cuerpo insiste : traza
marcas, versos, señales
de la mente en la mente
materia del deseo.

 LA MATIERE EST LE MOTIF

Oui : c’est la matière.
Cause et finalité du bruit du poème.
Motif : mouvement.
Bruit pour la noix de la gorge
et pour la pierrre qui tourne dans la tête
et parfois entrechoque
pierres et scintillements
de sang.
Sang matière.
Pulsation : nombre entrecoupé du sang.
Le pulse est le motif,
Et l’insistance du motif et du corps.
Le corp comme tiédeur : trace
marques, vers, signaux
de l’esprit à l’esprit
la matière du désir.

MÉTRICA

A la hora del té, si oye el sonido
té, ve una tacita
en el centro del verso
y a derecha e izquierda
la simetría bilateral
de dos manos
que dividen el día
en grupos
de cinco sílabas.

Horas endecasílabas del té.
Horas en punto de la tarde.
Horas a punto de escaparse
por el vacío de la frase
que descubree
una memoria de té y de madre
en la lengua materna.

 MÉTRIQUE

À l’heure du thé, s’il entend le son
thé, il voit une petite tasse
au centre même du vers
et à droite et à gauche
la symétrie bilatérale
de deux mains
qui divisent le jour
en groupes
de cinq sillabes.

Heures endecasillabes du thé
Heures justes de l’après-midi.
Heures sur le point d’échapper
par le vide de la phrase
qui dévoile
une mémoire de thé et de mère
dans la langue maternelle.

PASAN LOS MUERTOS

Y cuántos son, y cómo
se suman por la gracia
de disolverse,
y la magia
de su sagrada descomposición.

Y el arte de enterrarlos, negarlos
y volverlos relatos
en la memoria.

Un desfile de nombres,
imágenes veladas,
sonrisas, rictus, guiños
de una luz que pasó.

O de una sombra que atraviesa el tiempo
con todo el movimiento del día.

 LES MORTS PASSENT

Et combien nombreux , et comment
il s’additionnent par la grâce
de se dissoudre
et la magie
de leur décomposition sacrée.

Et l’art de les mettre en terre, de les nier
et les convertir en histoires
de la mémoire.

Un défilé de noms,
images voilées,
sourires, rictus, clignotements
d’une lumière qui n’est plus.

Ou d’une ombre qui traverse le temps
Avec tout le mouvement de la journée.

HASTÍO DE LA TRAMA

No es el hastío
ni el hasta ahí geométrico
ni el hartazgo
de los dibujos
ni la torsión calculada del hilo.

Será la regularidad, la causa
repetitiva de las formas,
la paciencia del hombre como renuncia,
y lo que se dispone a ser :
un hacer que no acierta a saber
qué es, e insiste
y teje
su trama alrededor del vacío.

LASSITUDE DE LA TRAME

Ce ne pas la lassitude
ni ce « jusque là », géométrique
ni la morne répétition
des dessins
ni la torsion calculé du fil.

Ce sera la régularité, la cause
répétitive des formes,
la patience de l’homme comme un renoncement
et ce qui est prêt à être :
un faire qui ne réussi pas au savoir
ce que c’est, et insiste
et tisse
sa trame autour du vide.

 


Ultimos Movimientos – babelscores

Sur des textes de Quique Fogwill

Enseble Accroche Note
Françoise Kubler, soprano.
Armand Angster, clarinette

N° 1 – 2 – 3 – 5 – 7