Pour Mezzosoprano, Mandoloncelle, Guitare et Harpe.
Sur des textes de Tono Martinez et des annotations techniques d’Abel Robino
Commande du Trio Polycordes.
Ces « Trois Chants » font partie d’un projet qui en comprend douze d’où la numérotation qui peut paraître, de prime abord, arbitraire.
J’ai inclus dans le numéro V une liste non exhaustive de camps de concentration, de transit , lieux de détention illégaux, Goulags…
Cette terrible litanie, diffusée par des haut-parleurs cachés dans la robe de la mezzo, peut , le cas échéant, être dite en direct. Dans ce cas le récitant , ou l’enregistrement, doivent se percevoir hors champ, comme une intrusion, une pollution de l’espace artistique.
J’ai choisi de mettre en musique ces textes en gardant les annotations de travail d’Abel Robino, qui est à l’origine des six « boîtes » cahiers qui sont à l’origine de l’ensemble de ce projet. Pour le second de ces trois chants, j’ai préféré travailler sur le texte en allemand.
[ La boîte de Pandora. Abel Robino ]
Pandora: Abel Robino. Techniques mixtes sur papier
Textes
III
La caja de Pandora es el traje de cristal que nos cubre, como una lluvia que viaja desde el inicio de los tiempos, llevándonos por los aires en diminutas partículas, recorriendo nevados y cordilleras, ríos, selvas, deltas volcados sobre ciudades populosas, hacia arriba y abajo, hacia afuera y adentro, como una mínima región o espacio que ha olvidado su nombre.
Nota: forma de ataúd, forma cerrada
III.
La boîte de Pandore est le costume de verre qui nous couvre, comme une pluie qui voyage depuis le début des temps, nous emportant dans les airs, en minuscules particules, parcourant névés et cordillères, rivières, forêts, deltas renversés sur des villes peuplées, vers le haut et le bas, le dehors et le dedans, comme une toute petite région ou un espace qui a oublié son nom.
Note : forme de cercueil, forme fermée
V
Die Büchse der Pandora ist eine hermetisch abgeschlossene, dunkle Behausung, die den Schmerz der ganzen Welt enthält, ihre Ungerechtigkeiten. Hier verharrt alles in kondensierter Form, lebendig, sicher verwahrt, in immerwährender Gegenwart. Hier sind die Gespräche von Verwandten und Freunden, die sich verabschieden, bevor ihre Stadt dem Erdboden gleich gemacht und von der vernichtenden Horde des neuen Eroberers eingenommen wird. Hier sind die Kinder, die schlafen und nicht wissen, was sie erwartet. Hier sind alle Opfer der Geschichte, der Geschichte in Großbuchstaben, die unaufhaltsam fortschreitet: die Gefolterten, Verschleppten, Verfolgten, Verurteilten, Erschossenen, Verbrannten, Verscharrten, Eingeäscherten und Vergessenen. Jetzt haben wir Februar 1944. Wir sind in Auschwitz-Birkenau, dem Stammland der Könige und Herzöge aus dem Hause Piasten, der Gründer Polens. Hier sind zwei Kinder, nackt und starr vor Angst, die sich umarmt halten, völlig verschreckt, während das Gas ihre Lungen erstickt und sie an den Geschmack dieses trockenen und schmutzigen Schweißes denken, den sie gemeinsam ausströmen, und der auch der Geschmack des Sommers war. Dank der Büchse der Pandora strecken wir unsere Hand bis zu ihnen hin aus, um sie zu berühren und sie an uns heran zu ziehen, bis hierher, in diesen Augenblick, dank eines Kniffes von Zeit und Raum, den unsere Kunst eröffnet und gestattet.
Anmerkung: Konzentrierte Form, mit dunklen Flecken hervorheben.
V.
La boîte de Pandore est une maison hermétiquement fermée et obscure qui garde toute la douleur du monde, ses injustices. Ici tout demeure en condensé, vif, récupéré, toujours au présent. Ici sont les conversations des parents et amis qui se disent au revoir avant que leur ville ne soit rasée et conquise par la horde exterminatrice du nouveau conquistador. Ici sont les enfants qui dorment et qui ne savent pas ce qui les attend. Ici sont toutes les victimes de l’Histoire avec majuscule, dans son avancée imparable : les torturés, déportés, persécutés, condamnés, fusillés, brûlés, enterrés, incinérés et oubliés. Maintenant, nous sommes en février 1944, à Auschwitz-Birkenau, sur la vieille terre des rois et ducs de Piast, fondateurs de la Pologne.. Ici sont deux garçons, nus et transis, qui se serrent dans les bras, terrorisés, alors que le gaz asphyxie leurs poumons et ils pensent au goût de cette sueur sèche et sale qu’ils partagent, qui était aussi le goût de l’été. Grâce à la boîte de Pandore, jusqu’à eux nous étendons la main, pour les toucher et les tirer jusqu’à nous, jusqu’ici, en cet instant, grâce à un pli du temps et de l’espace que notre art inaugure et permet.
Note : forme concentrée, la souligner avec des tâches obscures
Pandora III
Pandora V
Pandora IX
IX.
La caja de Pandora no tiene formas y las tiene todas. Es una nube. Se desplaza. La nube es un espejo en el aire. El espejo se quiebra y es un río. También se desplaza, hacia el mar de la Tranquilidad. El mar de la Tranquilidad está en la luna. “Por el cielo va la luna/ con un niño de la mano”, escribió Federico García Lorca en su Romancero.
Nota: Abrir el croquis hasta casi perder el concepto estructura-caja
IX.
La boîte de Pandore n’a pas de formes et les a toutes. C’est un nuage. Il se déplace.
Le nuage est un miroir dans l’air. Le miroir se lézarde et c’est une rivière. Elle se déplace aussi, jusqu’à la mer de la Tranquilité. La mer de la Tranquilité est sur la lune. « Dans le ciel va la lune / avec un enfant à la main », écrivit Federico García Lorca dans son Romancero.
Note : ouvrir le croquis jusqu’à presque perdre le concept –structure-boîte